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C'est à ce moment (7 et 8
Juillet) qu 'une commission parlementaire présidée par de Rancé, chargée
d’inspecter les centres récemment créés, arrive à Marengo. Elle paraît
satisfaite : le territoire de cette commune, sans présenter autant de
difficultés de défrichement que celui d'El-Affroun, nécessiterait cependant le concours
des soldats. La broussaille est plus abondante que le palmier nain et elle
offre moins de résistance
aux outils. Le bon état de cette colonie et les résultats satisfaisants
que la commission a observés doivent être principalement attribués à ce
fait que le directeur, appartenant à l’arme du génie, réunissait tous les
pouvoirs dans sa main et disposait sans contrôle de la marche des travaux.
Pourtant, elle
est peu satisfaite du recrutement des colons, ouvriers ou artisans
parisiens qui ignorent tout de la culture. Quand on regarde la liste des
concessionnaires, on est étonné d’y voir nombre de veuves (environ 10%).
La commission recommande avec juste raison que les concessions futures
soient réservées à des agriculteurs.
Elle constata
que l'installation des colons était inconfortable : dans ces baraques
sonores où les cloisons n'atteignent pas le faîte, les ménages se voyaient
condamnés par la contiguïté à une sorte de vie en commun qui ne tournait au profit, ni de
la concorde, ni des mœurs... C'était d'ailleurs une source de gêne et de
servitudes réciproques qui aigrissaient les esprits et leur faisait
envisager l’isolement comme un véritable bienfait.
Elle
enregistra dans tous les centres les plaintes des colons qui ne voulaient
pas travailler en communauté : de toutes les provinces, de tous les villages, il s’est élevé
un concert de voix pour repousser et pour maudire tout ce qui, de
près ou de loin, ressemblait à
la communauté. Le travail en commun, la récolte en commun inspiraient des
répugnances dont on ne saurait exprimer l'énergie. Pas une bouche qui ne
demandât la distribution des lots, la division des tâches, le partage des
produits. Il ne nous appartient pas de juger de l’impartialité de ce rapport rédigé par l’économiste et écrivain Louis Reybaud, sous la présidence du député conservateur algérien Rancé. Disons simplement qu’il ne réalisa pas l’unanimité de ses membres quant à ses interprétations. Ajoutons aussi qu’il se porta garant de la probité des directeurs et ne dit mot des trafics des entrepreneurs ni du refus des moniteurs. |