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LA COMMISSION D'ENQUETE DE 1849

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C'est à ce moment (7 et 8 Juillet) qu 'une commission parlementaire présidée par de Rancé, chargée d’inspecter les centres récemment créés, arrive à Marengo. Elle paraît satisfaite : le territoire de cette commune, sans présenter autant de difficultés de défrichement que celui d'El-Affroun, nécessiterait cependant le concours des soldats. La broussaille est plus abondante que le palmier nain et elle offre moins de résistance aux outils. Le bon état de cette colonie et les résultats satisfaisants que la commission a observés doivent être principalement attribués à ce fait que le directeur, appartenant à l’arme du génie, réunissait tous les pouvoirs dans sa main et disposait sans contrôle de la marche des travaux.

Pourtant, elle est peu satisfaite du recrutement des colons, ouvriers ou artisans parisiens qui ignorent tout de la culture. Quand on regarde la liste des concessionnaires, on est étonné d’y voir nombre de veuves (environ 10%). La commission recommande avec juste raison que les concessions futures soient réservées à des agriculteurs.

Elle constata que l'installation des colons était inconfortable : dans ces baraques sonores où les cloisons n'atteignent pas le faîte, les ménages se voyaient condamnés par la contiguïté à une sorte de vie en commun qui ne tournait au profit, ni de la concorde, ni des mœurs... C'était d'ailleurs une source de gêne et de servitudes réciproques qui aigrissaient les esprits et leur faisait envisager l’isolement comme un véritable bienfait.

Elle enregistra dans tous les centres les plaintes des colons  qui ne voulaient pas travailler en communauté : de toutes les provinces, de tous les villages, il s’est élevé un concert de voix pour repousser et pour maudire tout ce qui, de près ou de loin, ressemblait à la communauté. Le travail en commun, la récolte en commun inspiraient des répugnances dont on ne saurait exprimer l'énergie. Pas une bouche qui ne demandât la distribution des lots, la division des tâches, le partage des produits.

Il ne nous appartient pas de juger de l’impartialité de ce rapport rédigé par l’économiste et écrivain Louis Reybaud, sous la présidence du député conservateur algérien Rancé. Disons simplement qu’il ne réalisa pas l’unanimité de ses membres quant à ses interprétations. Ajoutons aussi qu’il se porta garant de la probité des directeurs et ne dit mot des trafics des entrepreneurs ni du refus des moniteurs.