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LE PROBLEME DE L'IRRIGATION

Le barrage de Meurad 1850-1854
(page 10)

De Malglaive avait réalisé que l’eau était indispensable pour les cultures potagères, les arbres fruitiers et d’autres cultures. Sans le secours de l’irrigation, les plantes qui ne sont pas strictement méditerranéennes périssent : vigne, olivier, amandier, caroubier. Lorsque les pluies de printemps sont normales et les réserves du sol assurées, les céréales résistent jusqu’à la moisson, qui a lieu tôt. La récolte est presque nulle dans le cas contraire. Ces pluies sont très irrégulières. Pour les trois mois, février, mars et avril, il est tombé à Alger 445 mm en 1848, 213 mm en 1849 et 35 mm en 1850.

Le site le plus favorable pour établir un barrage se trouvait à 7 km au sud de Marengo, sur l’Oued Meurad. Le lit de l’oued est resserré à cet endroit et l’ancrage pouvait se faire sur des bases solides, le terrain étant constitué par des roches éruptives andésitiques.

De Malglaive préconisait un barrage-réservoir en terre. Comme ce type de barrage avait souvent causé des déboires, l’administration était réticente : l’eau en surplus, passant par-dessus la digue, entamait la terre dont elle était constituée, entraînant la destruction de l’ouvrage. D’autres fois le barrage était miné par les infiltrations. De Malglaive imagina donc de cribler de terre et de rejeter les pierres, de tasser cette terre au fur et à mesure de la construction par la masse de l’eau elle-même, en utilisant une cheminée centrale, de revêtir le barrage d’un mortier d’asphalte et enfin d’éliminer l’eau en surplus par un déversoir latéral situé en dessous du niveau du mur. Le départ de l’eau d’irrigation se ferait par une tour intérieure où se manoeuvrait la vanne. La tour était aussi haute que le mur. En coupe, ce dernier se présentait en pente à l’extérieur, en gradins du côté amont. Pour permettre de le dévaser au maximum par ruissellement , il resterait ouvert d’octobre à avril.

L’administration n’était pas convaincue de la bonne tenue du barrage. Pour la persuader, de Malglaive demanda qu’on essayât sur une maquette. Ce qui fut fait dans la cour d’un hôtel occupé par le Génie à Alger. Poursuivis pendant plusieurs jours, les essais furent concluants.

Le projet fut adopté le 2 juillet 1852 et le principe de l’emploi, à sa construction, de déportés politiques, autorisé. Il fallut attendre 1854 pour obtenir les premiers crédits. Le Conseil du Gouvernement approuva le 22 mai mais rogna les crédits pour 1855 (35 000 francs au lieu de 40 000). Comme il fallait aller au plus juste, le barrage ne contiendrait qu’un million de mètres cube au lieu des six millions prévus. En attendant les crédits, de Malglaive offrit une fois de plus d’avancer sans intérêts les fonds nécessaires, la dot de sa femme récemment décédée. Le procédé dut étonner l’administration militaire car Randon le taxa "d’irrégularité subversive des principes administratifs ". Toutefois le Ministre de la Guerre en jugea autrement puisqu’il fit rembourser de Malglaive l’année suivante.

Le barrage fut construit par "les transportés" sous l’autorité militaire. Denfert-Rochereau fut chargé du revêtement. Le projet prévoyait un mur de quarante mètres de haut mais fut réduit à vingt mètres avec quinze mètres de retenue d’eau. Il fallut quatre ans pour sa construction mais les colons furent enthousiasmés lorsqu’ils virent l’eau couler dans les rigoles. Plus tard, des canalisations souterraines permirent de distribuer l’eau aux fontaines du village.

Ce barrage fut un facteur important de la richesse de la région Marengo-Meurad-Bourkika. Comme tous les barrages semi permanents il allait s’envaser progressivement. De 1893 à 1925, on rehaussa le déversoir pour redonner au barrage sa capacité primitive car elle était descendue à 830 000 mètres cubes.

Le 2 juillet 1852 de Malglaive est nommé directeur de la circonscription administrative de Marengo, Bourkika et Zurich. Il donne à nouveau la mesure de son ingéniosité en faisant construire un pont sur l'oued Meurad sur la route de Marengo à Cherchell.